Lorsqu’il est aujourd’hui demandé, au nom de la « laïcité », l’extension du principe de neutralité à des personnes qui n’exercent aucune mission de service public (par exemple aux usagers d’un service public, voire à la population civile dans la rue), c’est tordre le cou à la loi de 1905 dont le principe de séparation qu’il consacre ne peut conduire qu’à cette neutralité bien circonscrite. Lorsqu’il est demandé à l’État de s’occuper de théologie ou de la gestion interne des cultes (par exemple en nommant les ministres du culte), c’est tordre le cou à ce même principe de séparation. Le projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République, tel que corrigé par le Conseil d’État et qui reprend plusieurs préconisations de l’Observatoire de la laïcité, semble respectueux de l’équilibre laïque posé en 1905. Mais plusieurs parlementaires ont déjà fait état de leur volonté de l’amender considérablement, quitte à le briser. Pourtant, dans le premier cas, le risque est d’offrir l’argument de la discrimination à ceux qui veulent combattre la République, tout en s’en prenant à plusieurs libertés fondamentales dont celle d’exprimer sa conviction ou croyance, garantie par la laïcité elle-même. Dans le second cas, outre la remise en cause de la liberté de religion, le risque est de permettre tant l’influence religieuse sur le pouvoir civil que l’instrumentalisation politique de la religion, comme on le constate aujourd’hui en Turquie, dont la laïcité, adoptée par Mustapha Kemal, n’a jamais supposé la séparation (à l’inverse d’autres laïcités, comme la nôtre, ou celle en vigueur en Albanie – pays à majorité musulmane – ou au Mexique – pays à majorité chrétienne). La laïcité française n’est pas une idéologie au service d’un camp mais un formidable outil au service du commun. Celles et ceux qui l’enferment dans une approche purement intellectuelle et militante courent le risque d’en faire une notion abstraite insaisissable par tout citoyen, en plus d’en permettre des applications diverses et contradictoires sur le terrain. Cet état de fait est déjà une réalité, soyons-y vigilants. Car c’est alors que peut naître un sentiment d’injustice : lorsqu’au nom de la « laïcité » est refusée toute expression ou visibilité religieuse conforme au cadre légal, légitimant dans les faits des discriminations et empêchant parfois toute saine confrontation sur le terrain des idées.
Le texte complet est à lire sur AOC : https://aoc.media/analyse/2021/08/26/la-laicite-nest-pas-une-ideologie-au-service-dun-camp-2/
Depuis, l’Observatoire de la Laïcité a été supprimé