L’Eglise Catholique en France a obtenu qu’une « commission indépendante » soit constituée (cf la liste ci-dessous, sous la présidence de Jean-Marc Sauvé, « vice-président honoraire du Conseil d’Etat ». La lettre de mission initiale énoncée il y a près de trois ans https://www.ciase.fr/wordpress/wp-content/uploads/2019/02/Lettre-de-Mission-CEF-CORREF.pdf reconnaissait que « le scandale » de ces « abus sexuels » constituait « un démenti de notre engagement, au nom de l’Evangile ». La convocation d’une telle commission par l’Eglise catholique elle-même constitue un cas inédit de délégation d’une enquête officielle nationale, dans la mesure où l’Etat français n’en a été ni à l’origine ni l’animateur/gestionnaire. Le rapport final a fait l’objet d’une synthèse orale, sise sur un document écrit, accessible ici ou ici
Ce rapport représente près de 550 pages. La commission a procédé à une évaluation du nombre de victimes de cette pédocriminalité cléricale et de l’encadrement professionnel qui assiste ces clercs. Le chiffre total, en fonction des critères adoptés, concerne des centaines de milliers de victimes. Les faits sont connus : à des degrés divers, de différentes manières, que ce soit sur et contre de jeunes garçons (principales victimes) ou des jeunes filles, des adultes en charge de leur encadrement et protection ont profité de leur proximité avec ces enfants pour leur imposer, par la force physique et par la force psychique, associées, des actes érotico-sexuels, évidemment, non consentis, voire même exceptionnellement en apparence, consentis – sachant que des jeunes gens n’ont pas le discernement pour savoir si ce à quoi ils semblent consentir, ils y consentent vraiment ou croient… L’impunité de ces agresseurs a duré pendant des décennies, des siècles. On ose imaginer ce qui a pu se produire dans l’ensemble des pays dans lesquels l’Eglise catholique a été, pendant longtemps, l’autorité politique, unique, incontestée et « incontestable ». Il ait à craindre que des victimes qui ont pu parler d’une manière ou d’une autre aient été accusées d’être possédées par le démon, etc. A notre époque, le fait que l’Eglise catholique ne soit plus, à tout le moins, explicitement, l’autorité politique elle-même dans les pays où elle le fut auparavant, les évolutions sociales et techniques (de communication) ont rendu possible que des victimes osent parler, protester, se réunir. Il faut saluer leur courage. On ne peut oublier que le procès du « Cardinal Barbarin » qui s’est tenu en France il y a peu a abouti à une relaxe, en appel, concernant une non dénonciation des agressions sexuelles commises par l’ex-prêtre Bernard Preynat sur de jeunes scouts entre 1971 et 1991. L’ampleur (nombre, gravité et durée) de ces crimes a pu être possible parce que d’autres professionnels chargés de la vigilance et de la protection des personnes n’ont pas su, ou vouloir, voir. Il n’existe aucun autre champ de délits et crimes pour lesquels il y ait eu autant d’impunité, et ce jusqu’à aujourd’hui (à l’inverse, pour une petite délinquance, à savoir pour le commerce d’une substance identifiée comme une drogue, les prisons comptent de nombreux condamnés et emprisonnés). L’évaluation collective des causes et conséquences de ces faits délictueux et criminels reste à mener. Il est légitime de considérer que, désormais, la prise en charge, par des catholiques, d’enfants, de jeunes, doit se faire avec des exigences et des moyens de contrôle, nouveaux, renforcés. Il est tout aussi légitime de considérer que, concernant des délinquants ou des criminels vivants, et dont les faits ne sont pas prescrits, l’institution judiciaire va agir avec célérité. Pour les catholiques eux-mêmes, lesquels se disent souvent déterminés à une introspection profonde et lucide, il faudra voir comment ceux-ci peuvent comprendre, expliquer et contredire, le fait que des individus catholiques qui se prétendaient être des anges, ou que des catholiques considéraient comme tels, ont pu devenir ce que ces mêmes catholiques figurent dans une représentation manichéenne problématique, à savoir des démons. Cette réflexion devra également être menée par des hommes et des femmes qui ne se disent pas catholiques.
Président : Jean-Marc SAUVÉ, vice-président honoraire du Conseil d’Etat
Membres :
- Laetitia ATLANI-DUAULT – Anthropologue, directrice scientifique à la Fondation Maison des sciences de l’homme, directrice de recherche au CEPED (IRD, INSERM, Université Paris V)
- Nathalie BAJOS – Sociologue-démographe, directrice de recherche à l’INSERM
- Thierry BAUBET – Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université Paris 13 et à l’INSERM, chef de service à l’Hôpital Avicenne, AP-HP
- Sadek BELOUCIF – Professeur des Universités-praticien hospitalier, chef de service d’anesthésie-réanimation, Université Paris 13 et Hôpital Avicenne
- Jean-Marie BURGUBURU – Avocat au Barreau de Paris, ancien Bâtonnier de l’Ordre
- Alice CASAGRANDE – Directrice de la formation, de l’innovation et de la vie associative à la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs, vice-présidente de la Commission de lutte contre la maltraitance du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et du Comité national Consultatif des Personnes Handicapées
- Alain CORDIER – Ancien vice-président du Comité consultatif national d’éthique, ancien directeur de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, ancien président du directoire de Bayard Presse
- Carole DAMIANI – Docteure en psychologie, directrice de l’association Paris Aide aux victimes
- Anne DEVREESE – Directrice générale de l’Ecole nationale de protection judiciaire de la jeunesse
- Antoine GARAPON – Magistrat, secrétaire général de l’Institut des hautes études sur la justice
- Didier GUERIN – Magistrat
- Astrid KAPTIJN – Professeure de droit canonique, vice-rectrice sortante de l’Université de Fribourg, Suisse
- Christine LAZERGES – Professeure émérite de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ancienne présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme
- Laurence MARION – Haut fonctionnaire
- Joël MOLINARIO – Théologien, professeur à l’Institut catholique de Paris, directeur de l’Institut supérieur de pastorale catéchétique
- Marion MULLER-COLARD – Théologienne, docteure de la Faculté protestante de l’Université de Strasbourg, membre du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé
- Stéphane de NAVACELLE – Avocat aux Barreaux de New-York et de Paris, membre du Conseil de l’Ordre
- Philippe PORTIER – Historien et sociologue, premier vice-président de l’Ecole pratique des hautes études
- Jean-Pierre ROSENCZVEIG – Magistrat honoraire, membre du bureau du Conseil national de la protection de l’enfance, membre du Collège droits des enfants auprès du Défenseur des droits, expert UNICEF, enseignant à Nanterre en Droit pénal des mineurs auteurs et victimes
- Florence THIBAUT – Professeure de psychiatrie et d’addictologie à la Faculté de médecine Paris Descartes, médecin adjoint du chef de service de psychiatrie-addictologie au CHU Cochin, membre de l’Institut de psychiatrie et neurosciences de Paris (INSERM U 894), présidente honoraire de la World Federation of Societies of Biological Psychiatry, présidente de l’International Association of Women’s Mental Health
- Jean-Pierre WINTER – Psychanalyste